Dans mon article précédent, j’ai identifié des pistes de promotion de l’égalité femmes-hommes dans le sport à plusieurs niveaux. Mon article s’achève sur le rôle des collectivités. J’avais promis de développer ce point et c’est donc ce que je vais faire ici.
Les équipements sportifs
Le contexte
On l’oublie parfois mais les collectivités sont les premières financeuses du sport en France. C’est le cas, notamment au travers des investissements portés en terme d’équipements sportifs (stade, gymnases, dojo, etc.). Mais c’est cas aussi via toutes les dépenses de fonctionnement liées à l’entretien de ces équipements (chauffage, entretien courant – ménage, tonte/traçage, remises en état, gardiennage, etc.).
On compte ainsi, selon la base Data ES, plus de 42000 terrains de grands jeux, plus de 39000 courts de tennis ou encore près de 18500 salles multisports.
Si le prix pour un équipement sportif varie en fonction de sa typologie (environ 80k€ pour un terrain de tennis contre près de 800k€ pour un terrain de foot synthétique), les choix d’investissement des collectivités ont donc des impacts forts sur les opportunités de pratique de certaines disciplines.
L’action des collectivités
Partout sur le territoire le constat du manque de créneau est partagé. Aussi, les orientations prises pour investir dans un terrain de foot plutôt que dans une salle multisport vont avoir des conséquences qui la pratique sportive des filles/femmes et des garçons/hommes. Ceci est évidemment à corréler avec la dimension territoriale. On sait que la proximité d’un équipement sportif est souvent décisive dans la pratique et qu’il faut pouvoir à la fois répondre aux « zones blanches sportives », tout en prenant en compte les dynamiques associatives, en les croisant avec les enjeux d’égalité.
A minima, il serait nécessaire avant de lancer un chantier, que les collectivités prennent le temps de la réflexion pour visibiliser qui va bénéficier de l’équipement, quelles sont les disciplines qui pourront y être pratiquées. Il faut aussi prévoir des temps de concertation avec les usager·es (actuel·les dans le cas d’une rénovation ou futur·es dans le cas d’une création) chaque fois que c’est possible. Et bien sûr, il sera nécessaire de concevoir les espaces vestiaires et sanitaires, mais également les circulations extérieures et les accès en intégrant les enjeux de genre.
Les subventions au sport amateur
Contexte
Les subventions peuvent prendre plusieurs formes mais (presque) chaque collectivité a un dispositif de subventions dites « de fonctionnement ». Elles viennent aider les associations de niveau amateur au travers d’une sommes d’argent. Cette somme d’argent est définie selon des critères plus ou moins opaques et cohérents selon les collectivités puisque chacune d’entre elle est libre d’en définir les modalités d’attribution.
Ces subventions de fonctionnement ont vocation à soutenir le fonctionnement courant des associations et à les aider à couvrir leurs dépenses de personnel, déplacement et autres. Cette manne représente plusieurs dizaines de millions d’euros à l’échelle du territoire.
Les facteurs d’inégalité
On pourrait penser que les femmes et hommes bénéficient du même montant de subvention, mais ce qu’on observe dans la pratique c’est que le choix des critères de subventions d’une part et le profil des associations qui bénéficient d’une subvention d’autre part, contribuent à générer des inégalités.
Ainsi, les critères prennent souvent en compte le volet compétition ou bien les déplacements réalisés. Or les clubs qui évoluent en compétition pratiquent des sports à prédominance masculine (foot, rugby) voire mixtes dans le meilleur des cas (handball, basket). Mais on trouve peu de sport à prédominance féminine dans ces sports. De même les associations qui vont chercher des subventions (qui ont le plus intérêt à aller chercher des subventions) sont les associations dont l’activité génèrent des dépenses, que la seule « licence » ne suffit pas à couvrir. On retrouve là encore des pratiques à prédominance masculine. Tandis que les pratiques à prédominance féminine (danse, fitness, yoga, gymnastique, sports de glace) sont généralement moins génératrices de dépenses.
Ces éléments créent un biais qui abouti à une inégale répartition des subventions. Ainsi, dans plusieurs villes sur lesquelles j’ai pu faire des analyses, si les filles/femmes représentent en moyenne 35% des licencié·es, il n’est pas rare qu’elles ne bénéficient que le 25% de l’enveloppe budgétaire.
L’éga-conditionnalité pour promouvoir l’égalité dans le sport
Certaines collectivités mettent donc au travail une réflexion sur le déploiement de l’éga-conditionnalité qui vise à conditionner la distribution, le reversement d’argent public à des tiers, à la prise en compte de l’égalité femmes-hommes. Ainsi, une réflexion est engagée dans plusieurs villes en France pour par exemple bonifier les licenciées filles/femmes, pour imposer aux clubs de se former à la question des violences sexuelles et sexistes. D’autres déploient un questionnaire pour mieux cerner les engagements des associations en matière d’égalité FH.
Autant d’éléments qui souvent sont par ailleurs associés à des critères environnementaux et d’inclusion afin d’avoir une démarche transversale, et englobant plusieurs grandes questions sociétales.
Les grands évènements sportifs
Les manifestations sportives sont très souvent de grands moment de liesse populaire et l’occasion de promouvoir le sport. Les moyens mis en œuvre pour l’accueil de ces grandes manifestations en dit beaucoup sur l’engagement des collectivités (et des états) sur les questions d’égalité femmes-hommes.
Ainsi, je ne pouvais pas manquer l’occasion d’évoquer l’Euro de football féminin qui se tiendra en Suisse en 2025. Plusieurs articles parus récemment soulignent l’écart de budget avec l’édition masculine qui s’est tenue en Suisse en 2008. Ainsi, l’enveloppe passe de 82 millions d’euros pour l’édition masculine à 15 millions d’euros pour l’édition féminine. Et si l’on en croit les derniers articles de presse sur le sujet, le budget devrait être encore réduit dans les semaines à venir.
Un autre exemple que j’avais trouvé marquant : une collectivité accueillait 1 tournoi de tennis WTA et 1 tournoi ATP. Mais l’analyse du budget mis en oeuvre par la ville à la fois en communication et en prestation a démontré un écart de plus de 50k€ entre le tournoi masculin et le tournoi féminin, en défaveur du tournoi féminin, pourtant de même niveau dans la hiérarchie du tennis mondial. Suite à ce constat, la ville a corrigé son affectation budgétaire pour allouer les mêmes moyens aux 2 compétitions. Un bel exemple sous forme de transition pour aller vers mon dernier axe d’action.
La budgétisation sensible au genre
La budgétisation sensible au genre ou la budgétisation intégrant l’égalité est également un outil très puissant qui agit comme un révélateur des intentions politiques et des impacts concrets des politiques publiques. Ainsi, la BSG/BIE , la Budgétisation Sensible au Genre (BSG) consiste en « une évaluation des budgets existants avec une perspective de genre à tous les niveaux du processus budgétaire ainsi qu’une restructuration des revenus et dépenses dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. » selon le Conseil de l’Europe.
Dit autrement c’est un outil pour questionner les actions et les budgets qui y sont alloués, en mesurer les bénéfices et si nécessaire les corriger pour une meilleure prise en compte des enjeux de genre.
C’est un outil puissant qui pemet d’accompagner les services et les élu·es dans leurs réflexion, qui permet d’aboutir à plus de justice fiscale et sociale. En effet, on s’assure que l’argent public bénéficie à toustes de manière équitable et surtout, on veille à ce que l’action publique contribue à transformer durablement les rapports sociaux de genre.
Autant de pistes de réflexion pour les collectivité pour mieux intégrer l’égalité dans leur politique publique du sport. Vous voulez approfondir le sujet et travailler au sein de votre collectivité sur ce sujet ? Contactez-moi.