Vous avez surement déjà entendu parler de la Budgétisation Sensible au Genre (BSG) ou Budget Genre. En tous cas, le sujet est devenu très présent dans les médias. Le sujet a notamment été visibilisé grâce à la ville de Lyon qui a lancé un appel d’offre pour déployer la BSG sur l’ensemble de son budget, devenant ainsi une ville pionnière sur le sujet.
A cette occasion, de nombreux médias mainstream (notamment radio) ont proposé des capsules pour expliciter le sujet, le rendre accessible au plus grand nombre (retrouvez les séquences ici : France Culture, Radio France – Le quart d’heure).
BSG : la révélation !
Pour ma part, j’ai découvert le sujet à l’occasion du toujours inspirant Printemps des Fameuses, en mars 2019. Je venais de quitter mon emploi de manager de production avec l’envie de faire autre chose. Mais ce « autre chose » peinait à se dessiner. Et puis, lors de son intervention en plénière, Victoire Tuaillon évoque un chiffre surprenant : « aujourd’hui en France, 75% des dépenses pour les activités de loisir des jeunes bénéficient en réalité aux garçons ». Il m’a fallu quelques minutes pour digérer cette info. J’avais toujours pensé que les budgets des collectivités étaient neutres, qu’ils bénéficiaient de la même manière aux habitants et aux habitantes. Et voilà qu’un gouffre venait de s’ouvrir sous mes pieds.
J’ai donc décidé de changer mon programme de l’après-midi pour aller assister à l’atelier sur le sujet de la Budgétisation Sensible au Genre. Et là, je dois avouer que j’ai une sorte de révélation. J’ai trouvé le sujet passionnant et une petite voix dans ma tête disait que « ce serait trop bien de bosser sur ce sujet ».
Retour en arrière
J’ai donc commencé à explorer le net pour trouver des ressources et il faut dire qu’elles étaient peu nombreuses. J’ai trouvé l’excellent guide du centre Hubertine Auclert, j’ai parcouru les ressources des organismes d’aide au développement (AFD, ONU Femmes). J’ai également trouvé quelques plaquettes intéressantes du côté de la Belgique (Ixelles notamment). Je me suis vite rendue compte que les initiatives existaient surtout à l’étranger et que la concrétisation de la BSG s’était surtout faite dans le cadre de projet de développement, à l’international.
Quelques semaines plus tard, j’ai eu le plaisir de découvrir que Science Po organisait une conférence sur le sujet à Paris. Je me suis dit que c’était une parfaite occasion de m’offrir une virée à la capitale. Lors de cette table ronde à l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques, j’ai pu croisé au micro ou dans la salle, des personnes engagées sur le sujet. Le Women’s Budget Group présentait ses conclusions sur l’impact de réformes sociales sur les femmes et montrait notamment que prendre pour unité « le foyer » était toujours pénalisant pour les femmes, qui passaient « après » leur conjoint. Le Haut Conseil à L’Egalité entre les femmes et les hommes présentait également son travail sur l’éga-conditionnalité. Sa représentante soulignait le retard français sur le sujet. Pour confirmer ce point de vue, des élèves de l’ENA présentes dans la salle témoignaient qu’elles n’avaient jamais entendu parler de la nécessité de prendre en compte le genre dans les budgets !
La Budgétisation Sensible au Genre, késako ?
Le Centre Hubertine Auclert propose la définition suivante :
La budgétisation sensible au genre (ou gender budgeting, abrégée dans ce guide par BSG) vise à intégrer la perspective de genre dans tout le cycle budgétaire pour analyser l’impact différencié des dépenses et des recettes des budgets publics sur les femmes et les hommes.
Guide BSG, Centre Hubertine Auclert, 2019
Tandis que le Conseil de l’Europe propose la définition suivante :
« L’intégration d’une perspective de genre dans le processus budgétaire est une application de l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire. Cela implique une évaluation des budgets existants avec une perspective de genre à tous les niveaux du processus budgétaire ainsi qu’une restructuration des revenus et dépenses dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.1»
Guide BSG, Centre Hubertine Auclert, 2019
Dit d’une autre manière, l’idée est d’interroger la manière dont l’argent public est collecté et dépensé et de voir si cela aggrave ou diminue les inégalités entre les femmes et les hommes.
Si cette démarche est si importante c’est que le budget est la traduction de la volonté politique. Aussi, la construction d’un budget est un acte politique fort.
Je vous invite à regarder cette rapide vidéo du Monde Selon les Femmes, ONG belge, qui fournit un exemple d’application de la BSG sur l’aménagement d’une cour d’école.
Mon baptême du feu
Aujourd’hui, je suis particulière fière et heureuse de concrétiser mon intérêt pour le sujet de la Bugétisation Sensible au Genre en intégrant l’équipe de consultantes qui va accompagner la ville de Lyon. Notre mission : définir une méthode pour déployer la BSG sur la globalité du budget de la ville. Le défi est de taille car il s’agit de rendre la méthode opérationnelle et compréhensible pour les services de la ville qui à terme pourront opérer en autonomie.
L’enjeu est fort également car pour le moment, beaucoup de données qui permettrait d’éclairer la réalité des inégalités ne sont pas collectées. Nous allons devoir travailler à partir d’hypothèses au regards des connaissances théoriques dont on dispose.
Ce marché est aussi l’occasion pour moi de travailler avec des pointures en BSG et d’apprendre à leurs côtés. Transmission in progress !
Aurélie ARQUIER