Quelle semaine ! Je viens de passer 5 jours à Strasbourg dédiés à la question de comment lutter contre les violences faites aux femmes. Je vous emmène dans mon album à souvenir.
Le workshop Gender Flagship
La semaine a commencé par 2 jours de workshop avec le projet européen Gender Flaship. Le séminaire a porté sur le coût des violences basées sur le genre, et était coordonné sur le plan académique par EUI et les équipes de Costanza Hermanin.
L’occasion d’entendre une des pionnières de l’évaluation du coût des violences Janet Veitch. Elle nous a présenté le travail fondateur du Women’s Budget group, mené dès 1996, et qui aujourd’hui estime le coût des violences à 66 milliards d’euros pour la Grande-Bretagne.
L’occasion également de découvrir les travaux de Michael Flood, en Australie. Après avoir rappelé le caractère construit des violences basées sur le genre, il a présenté 6 axes d’actions pour sensibiliser les garçons et les hommes. Il a rappelé la nécessité notamment de changer la culture des organisations (écoles, clubs de sports) et d’agir sur les politiques publiques (pour réguler l’accès au porno par exemple).
C’était également passionnant de pouvoir échanger avec des députées européennes (Lina Galvez et Alexandra Geese) qui ont participé à la bataille pour la signature de la Directive européenne de mai 2024 sur les violences et sur le dilemme de soutenir un texte amputé et affaibli.
J’ai aimé la vision optimiste de Mathias Möschel et d’Alexandra Geese. Iels ont rappelé que ce texte a malgré tout le mérite de poser un cadre commun. Et il laisse un espace (important) de plaidoyer pour la société civile dans les années à venir pour que la traduction en droit national soit plus ambitieuse. Avec en complément, la possibilité de compter sur le contexte de l’affaire des viols de Mazan qui permettra peut-être de réussir là où la directive a échoué : faire entre le consentement positif dans la loi sur le viol en France.
Les Assises européennes de lutte contre les violences faites aux femmes
La semaine s’est poursuivie avec les d’Assises européennes de lutte contre les violences faites aux femmes. 2 jours riches à tous points de vue, dans une ambiance joyeuse, où la détermination de lutter contre les violences faites aux femmes était perceptible dans chaque prise de parole. Je retiens de ces 2 jours quelques coups de cœur.
Jour 1
Tout d’abord le discours des élues présentes (Jeanne Barseghian, Johanna Rolland, Christelle Wieder), avec une mention spéciale pour les mots de la sénatrice Mélanie Vogel (« Faites élire des féministes! Sur un malentendu elles peuvent faire évoluer la constitution », « C’est le féminisme qui fera tomber la peste brune« ) qui a littéralement mis le feu à l’auditorium
Puis j’ai admiré la remise en contexte limpide sur le continuum féminicidaire par Christelle Taraud. Elle a expliqué que le féminicide était à la fois un crime collectif, un crime d’État, un crime de masse et un crime à tendance génocidaire (« contre les femmes en tant que peuple et contre la féminité en tant qu’identité »). L’historienne a terminé par cette citation de l’activiste Rita Laura Segato « Il faut faire sortir l’humanité de sa préhistoire patriarcale« . Le décor était planté pour les 2 jours après cette présentation brillante et très accessible.
Dans la continuité du workshop, j’ai suivi avec beaucoup d’intérêt les nombreuses discussions autour de l’évolution de la définition du viol pour y intégrer la notion de consentement. Et j’ai très envie de m’engager auprès de la CLEF pour mener des actions de lobbying au niveau national pour garantir une transcription ambitieuse de la directive européenne.
L’intermède culturelle, sensible de drôle, de Klaire fait Grr m’a à la fois fait rire et m’a donné des frissons. Aller voir le spectacle en entier intègre directement ma wish list de Noël !
Je suis heureuse d’avoir eu le plaisir d’animer une table ronde sur le rôle des collectivités territoriales dans la lutte contre les VFF. J’étais accompagnée de représentantes de l’observatoire régionale de lutte contre les violences du centre Hubertine Auclert qui a notamment produit le guide indispensable « agir efficacement contre les VFF au niveau local » et de la responsable de Citad’elles, le lieu d’accueil et d’accompagnement des femmes victimes et de leurs enfants à Nantes
Jour 2
J’ai aimé voir Claudy Vouhé en super Madame Loyale de la deuxième journée !
J’ai été bluffée par la table ronde sur ce que peut le féminisme peut contre la montée de l’extrême droite, qui s’est terminée avec un chant militant, avec notamment les interventions de:
– Sandra Lhote-Fernandes d’OXFAM: « La montée de l’ED est la conséquence de l’aggravation des inégalités […] Il faudrait 200 ans pour résorber la pauvreté mais dans 10 ans max on devrait avoir 1 personne détenant 1000 milliards d’euros »
– Mine Günbai de la fédération nationale de Solidarité Femmes: « L’ED risquerait de ne plus financer le 3919 et surtout elle cherche à remettre en cause le caractère inconditionnel des accueils de femmes victimes »
– Caroline De Haas: « Quand j’ai un coup de mou je ferme les yeux et je repense au 7 juillet 20h » (frissons !)
– Kaoutar Harchi: « Notre féminisme ne doit pas rebâtir des frontières. Dire notre soutien aux femmes en Iran, à Gaza, c’est mener une politique d’amour, de résistance à la mort. Et nous devons lutter contre les politiques fémo-nationalistes »
– Clémence Pajot de la fédération nationale des CIDFF: « On doit vraiment trouver un manière de concrétiser ce projet de grève féministe en France »
L’atelier témoignage de (ancien·nes) salarié·es de la maison des associations de Strasbourg sur le cas de de harcèlement sexuel qu’elles et ils ont dû affronter était bouleversant. Le récit du contexte, de la réaction de l’employeur, le rôle de l’inspection du travail et des médias, la dimension juridique, la reconstruction, tout cela a été abordé avec beaucoup de simplicité. Beaucoup de respect se dégageait de l’assistance à l’écoute. Un moment suspendu.
Enfin, j’ai perdu ma voix grâce au karaoké de clôture des Assises mené par l’ambianceuse star Aline Afanoukoe qui a mis le feu à l’auditorium. Un coup de chapeeau aussi à la chorale Pelicanto (mention spéciale pour le medley Spice Girls et la reprise de Born this Way de Lady gaga).
Super bonus !
Le coup de cœur des coups cœur reste à adresser à toute l’équipe de la mission droits des femmes de la ville de Strasbourg qui a réalisé un boulot incroyable pour faire de cet évènement une immense réussite. Brava !
Et bien entendu, tout cela aurait eu une saveur différente si je n’avais pas eu le plaisir de partager tout ça avec les collègues, mentores devenues des amies. J’ai nommé la BSG Dream Team, aka les Destiny’s child de la BSG : Isabelle Guéguen, Claudy Vouhé et ma meilleure binôme Céline Calvé. Pluie de paillettes et de cœurs sur elles !
Et puisqu’un bonheur n’arrive jamais seul, c’était le marché de Noël à Strasbourg !