Cette phrase, je l’ai trouvée dans un retour de questionnaire d’évaluation suite à une conférence sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Si mon premier réflexe serait de classer cette personne dans le clan des hommes qui se victimisent, je dois avouer que ce type de propos revient un peu trop souvent pour que je me contente de balayer ça d’un revers de main.
Il me semble donc important de dire que OUI, les hommes aussi sont des victimes du système patriarcal dans lequel nous évoluons. Ils sont des victimes directes mais aussi indirectes, au regard du coût de la virilité toxique pour notre société toute entière.
C’est d’ailleurs le propos de 2 livres récents : Le sexisme, une affaire d’hommes, de Valérie Rey-Robert et Le coût de la virilité, de Lucile Peytavin. Je n’ai pas lu le 2ème mais j’ai dévoré le 1er. Je vous partage quelques points clés ci-dessous.
Le sexisme, une affaire d’hommes
Dans son livre, l’autrice analyse la construction du genre et elle articule son propos dans un but : « Il faut étudier la violence masculine. Il faut voir comment elle est produite, si elle est un accident de la construction de la virilité ou si c’est la virilité qui construit la violence. »
Plus loin, elle explique le choix du titre de son livre par cette phrase : « Nous devons arrêter de croire que le sexisme est un problème de femmes ; les hommes en sont les principaux auteurs, ils ont donc collectivement la responsabilité d’y mettre fin ».
L’autrice revient largement sur la construction du genre, définit ce qu’est l’archétype de l’homme dans nos sociétés. Ainsi, elle écrit « Si on résume, pour être un homme, un garçon doit apprendre à : être indépendant et autonome, ne pas exprimer ses émotions, être dur et agressif, être en compétition avec les autres hommes, toujours chercher et vouloir des relations sexuelles avec les femmes, éviter tout ce qui est considéré comme « féminin » afin qu’il n’y ait aucune confusion quant à sa masculinité et refuser l’homosexualité ».
On comprend donc bien ici la quantité d’injonctions adressées aux hommes et auxquelles ils doivent se conformer sous peine de ne pas être reconnu comme de vrais « hommes ».
Le livre détaille ensuite les différents aspects de la « violence masculine » avec ce chiffre incroyable de l’Unicef qui déclare que « les garçons dans les pays de l’OCDE ont 70% de risques de plus que les filles de mourir de façon accidentelle », notamment en raison de prises de risques bien plus élevées (conduite, addiction, sport extrêmes, etc.).
Les hommes victimes de sexisme au travail
L’autrice analyse ensuite de quelle manière le sexisme touche également les hommes. Je m’arrêterais ici sur le chapitre consacré au travail afin de rebondir sur le commentaire laissé par mon auditeur anonyme. Les hommes « prennent cher au travail » tout d’abord du point de vue de l’exposition aux risques professionnels. Ainsi, même si le taux d’accident du travail explose chez les femmes, il reste encore inférieur à ce qu’on observe chez les hommes.
L’extrait qui suit m’a notamment rappelé quelques séquences que j’ai vécues lorsque je travaillais dans un atelier de fabrication de pneus équipés de machines très dangereuses: « Une étude a montré que dans les professions ordinairement masculines, les hommes qui adhéraient aux normes masculines traditionnelles étaient plus susceptibles que les autres hommes d’enfreindre les procédures et de ne pas signaler les problèmes de sécurité. »
Le livre évoque également de rapport des hommes au travail et au temps qu’ils y consacrent. La peur de perdre son emploi n’est pas ressentie de la même manière chez les femmes et les hommes. De la même manière, dans les secteurs où il n’y a pas d’enjeu physique, c’est le temps consacré au travail qui sert de mètre étalon entre les hommes. Ainsi, c’est celui qui passe le plus de temps au bureau qui apparaît comme le meilleur.
Enfin, si intégrer un secteur dit « masculin » est bien perçu pour une femme, un homme pourra voir sa virilité questionnée s’il s’intéresse aux métiers dits « féminins ». On voit ainsi que le champ des possibles peut être réduit pour eux dans certains cas.
Pour conclure
Pour conclure, je ne peux que vous inviter à lire ce livre de Valérie Rey-Robert qui est une mine d’information, extrêmement documenté et très accessible, même si on n’est pas un.e pro du sujet.
Si j’ai voulu m’arrêter ici sur ce que vivent les hommes, je n’en n’oublie pas que les femmes restent les principales victimes de toutes les formes de violences sexuelles et sexistes, que ce soit dans la sphère privée, dans l’espace public ou encore au travail et que ce sont des hommes qui sont les responsables des agressions dans plus des 95% des cas.
Ce chiffre à lui seul rappelle l’urgence à agir contre le sexisme et pour l’égalité, au bénéfice des femmes et des hommes.
Aurélie ARQUIER