Il y a quelques semaines, alors que je cherchais une formation pour développer mes compétences en matière de lutte contre les Violences Sexuelles et Sexiste au Travail, j’ai contacté une célèbre association pour savoir si je pouvais suivre l’un de leurs modules.
S’en est suivi un échange avec la dite association qui m’a laissée pantoise. En quelques minutes, sans même me connaître ou avoir pris le temps d’échanger, la personne au bout du fil a taclé mon activité et a clairement instauré une hiérarchie de valeur. Il y avait d’un côté l’association (« nous a on est des militantes, on n’a pas un but lucratif ») et de l’autre, moi (sorte de suppôt du capitalisme à ses yeux je pense !!). J’ai raccroché avec un sentiment de culpabilité au fond du ventre.
Etais-je en train de faire du #feminismwashing ?
Une fois digéré cet évènement, je me suis posée la question de ce que cela voulait dire pour moi d’être une entrepreneuse féministe et comment cela pouvait se traduire concrètement dans mon activité. Ce qui va suivre est le fruit de mes échanges avec des consoeurs, de ma lecture du livre Léa Lejeune (Féminisme washing : quand les entreprises récupèrent la cause des femmes – Editions Seuil) et de mes réflexions personnelles.
Etre cohérente
Mon offre repose entre autre sur des sensibilisation à la lutte contre le sexisme au travail et à la promotion de la mixité. A travers ces prestations, je passe des messages. Il me semble donc que mettre de la cohérence entre mes actes et mes discours est un premier axe indispensable.
Ainsi, mes premières actions seront de :
- Réagir au sexisme, sous toutes ses formes : nommer le sexisme quand j’y suis confrontée, le visibiliser, et y réagir pour ne pas le banaliser
- Utiliser une communication fondée sur le langage inclusif et prendre le temps d’argumenter face aux personnes qui trouvent cela inutile. La mise en visibilité des femmes dans les écrits et les discours est nécessaire à l’évolution des représentations
Je rajouterai ici une troisième action, soufflée par ma consœur Isabelle Guéguen : ne pas exploiter d’autres femmes par mon activité, ne pas m’enrichir sur le dos des femmes. C’est une idée importante d’autant que j’ai aussi été confrontée à une structure qui prône l’émancipation des femmes, qui se prétend être au service des femmes et les aider à prendre leur juste place mais qui par ailleurs, a adopté une posture particulièrement anti-professionnelle et manipulatrice à mon encontre (j’étais de toute évidence du mauvais côté de la barrière, celui de la fournisseuse et non de la cliente…)
Changer les normes
Après avoir passé 15 ans dans 2 multinationales techniques et masculines, j’ai clairement adopté des comportements et des codes « masculins », à la fois dans ma relation au travail, dans ma vision de la réussite ou encore dans ma manière de travailler avec mes collègues.
Malheureusement, certains de ces codes me semblent inadaptés pour faire advenir un monde du travail plus égalitaire. Quand la prime est donnée à la compétition, à la mise en concurrence entre les personnes, à la valorisation de celui ou celle qui saura prendre le dessus, on laisse en réalité peu de place à la diversité.
De la même manière, avoir cru pendant longtemps que ma réussite sociale passait par un intitulé de poste qui claque, par le fait d’avoir un gros salaire et plein d’avantages, par le fait de gérer une grosse équipe, m’a conduit à mettre ma santé mentale en péril et à frôler le burn out.
Il me semble donc indispensable de repenser les codes de la réussite (sans pour autant renoncer au fait de gagner de l’argent mais sans que cela soit l’alpha et l’oméga de mon job)
Evidemment, je suis parfaitement consciente que ce discours est un peu loin de la réalité de bon nombre de personnes qui galèrent à boucler leurs fins de mois. Cela fait d’ailleurs le lien avec ma cinquième action : être consciente d’où je parle, de mes privilèges (blanche, cisgenre, hétéro, valide, classe supérieure) et poursuivre la déconstruction de mes propres stéréotypes.
Un effet démultiplicateur
Etre une entrepreneuse féministe, cela passera aussi pour moi par le fait de soutenir les femmes en général ainsi que des projets transformateurs, vertueux en matière d’égalité femmes-hommes.
Ainsi, je décide de soigner ma sororité (parfois chahutée !). Voir les femmes de mon entourage comme des alliées et non comme des concurrentes, penser collaboration plutôt que confrontation, et mesurer, nuancer ma parole à propos des femmes. J’ai vu fleurir sur les réseaux sociaux le terme de « jurisprudence Alice Coffin » qui indique ne pas vouloir critiquer les autres femmes, notamment politiques, y compris celles qui ne sont pas de sa famille politique.
Je souhaite aussi dédiée une partie de mon chiffre d’affaire à soutenir des projets qui transforment les rapports sociaux de genre, qui contribuent à faire advenir l’égalité. Ainsi, je m’engage à allouer au moins 2% de mon chiffre d’affaire à des organisations et/ou des projets qui défendent l’idée de l’égalité.
Cette liste doit être complétée et passer au crible du réel ! Et je suis sûre que les mois et années à venir m’aideront à affiner ce que cela signifie d’être une entrepreneuse féministe.
Pour me contacter, c’est ici.